Le créateur d’Akira, œuvre essentielle de la bande dessinée japonaise,
nous invite à découvrir ses premiers pas d’auteur de mangas à travers un
recueil de ses histoires courtes publiées entre 1979 et 1981.
Pour de nombreux lecteurs Français de mangas, « Otomo » rime avant tout
avec « Akira ».
Cette saga post-atomique, écrite et dessinée par
Katsuhiro Otomo et publiée au Japon à partir de 1982, marque le vrai
début de l’ère manga en France.
Traduite par les éditions Glénat – qui
joua un rôle pionnier dans l’introduction de la bande dessinée japonaise
dans notre pays – à la fin des années 1980, cette histoire pleine de
bruit et de fureur allait définitivement ouvrir la porte aux créations
venues du Japon.
Pour ceux qui ne connaîtraient pas Akira, rappelons
qu’il s’agit d’une œuvre essentielle qui se situe à Néo-Tokyo, dans un
avenir pas si éloigné – l’an 2019 – et quelques années après la
troisième guerre mondiale. On retrouve dans Akira les ingrédients et les
thèmes chers à Otomo : un effet de réalisme saisissant, une bonne dose
de surnaturel, une violence stylisée menée à son paroxysme et qui en
devient fascinante, un trait fulgurant d’une précision et d’une force
d’expression remarquables.
Loin d’être l’auteur d’une seule œuvre, Otomo
réalisera d’autres mangas marquants comme Dômu, récit contemporain et
inquiétant qui met en scène des enfants dotés de pouvoirs surnaturels.
Mais avant, il y eut toute une série de courtes histoires que les
éditions Kana ont eu la bonne idée de rééditer. Véritable matrice de
l’œuvre ultérieure d’Otomo, ce volume intitulé Anthology permet de
découvrir ses influences essentielles, à commencer par celle de
Moebius/Jean Giraud, dessinateur de Blueberry et auteur majeur de la BD
contemporaine.
La grande variété du graphisme, l’humour et l’esprit
visionnaire d’Otomo éclatent à chaque page à travers cette succession
d’histoires qui passent de l’anticipation à la parodie ou du drame
existentiel à la science-fiction (un genre qu’il eut pourtant du mal à
faire accepter par son éditeur, comme il l’explique dans l’introduction à
Anthology).
Le dessin d’Otomo, sans jamais rien renier de sa lisibilité
ni de sa simplicité, se situe à mi-chemin entre un certain classicisme
du manga et une tradition plus européenne, et met en lumière le rôle
déterminant joué par un auteur tel que Moebius, qui inspira le créateur
d’Akira et qui est d’ailleurs remercié à la fin de l’ouvrage.
Anthology
se révèle aussi d’une lecture passionnante pour la description des
échecs et des espoirs avortés de l’auteur. Celui-ci raconte comment il
eut, tout au long de sa carrière, le plus grand mal à boucler ses
histoires dans les délais impartis.
Des histoires que, bien souvent, il
n’arriva d’ailleurs pas à terminer et qui nourrirent sa frustration, au
point de l’inciter à faire mieux la fois suivante. Et c’est ainsi qu’il
donna naissance à Akira, après avoir éprouvé un sentiment
d’insatisfaction et d’inachèvement en travaillant à un récit baptisé
Fire Ball.
Ce recueil d’histoires courtes, réalisées de 1979 à 1981,
constitue une bonne introduction au travail de Katsuhiro Otomo. Et
devrait inciter tous ceux qui n’ont encore jamais pénétré cet univers
foisonnant à se précipiter sans tarder sur des mangas aussi essentiels
que Dômu ou Akira…