"Made in Monde: voici ce que nous pourrions lire sur les poupées du
futur. Elles auront été dessinées aux Etats-Unis; leurs cheveux,
confectionnés au Japon; leurs vêtements, conçus en France; leur corps,
moulé à Taïwan ; et le tout, assemblé en Chine."
Susan Berger tient la plume mais ce livre est le résultat d'une
enquête menée par une douzaine de chercheurs du Massachusetts Institute
of Technology (MIT). Ils ont analysé la stratégie de 500 entreprises
d'Amérique du Nord, d'Asie et d'Europe face à la mondialisation.
Ce travail confirme d'abord ce que les spécialistes du
sujet écrivent depuis plusieurs années: les entreprises découpent de
plus en plus leur chaîne de valeur ajoutée sur un territoire mondial.
Avant, les entreprises ne sous-traitaient que ce qu'elles ne savaient
pas fabriquer: les constructeurs automobiles achetaient les tapis de
sol, par exemple.
Aujourd'hui, la sous-traitance peut toucher l'ensemble
des processus de fabrication et, au-delà, l'ensemble des activités de
l'entreprise (conception technique, comptabilité…).
Cela rend
l'innovation plus facile: faites assembler par le taiwanais Inventech un
minuscule disque dur Toshiba, un lecteur de disquette Nidec, un
processeur ARM, une carte Texas Instruments, une interface USB de chez
Cypress, une mémoire flash de Sharp et vous avez dans les mains un iPod
qu'Apple a mis moins d'un an pour passer du stade de concept à celui de
produit. Sans avoir à tout réinventer...
C'est l'augmentation du
coût du capital qui pousse à ces découpages (pour créer une fabrique de
semi-conducteurs, il fallait 1 milliard de dollars en 1980, 2 milliards
en 2000, près de 3 en 2005) et c'est le développement des nouvelles
technologies de la communication qui les rend possible, explique Susan
Berger. Cela permet plus facilement à des nouveaux venus de s'installer
sur un marché: il "suffit" d'être compétent dans un domaine et, pour le
reste, d'acheter les compétences des autres.
Mais cela renforce la
concurrence: pour chaque segment choisi, il faut être aussi bon que les
meilleurs fournisseurs du secteur. Il y aussi le risque de partager des
informations avec un fournisseur qui finit par créer sa propre marque et
devenir un concurrent. C'est pourquoi certaines entreprises continuent à
intégrer toute la production, de Samsung dans l'électronique à Zara
dans le textile. Et ça marche aussi...
Dans ce nouveau monde, ce qui
prime ce sont les compétences que développe une firme, pas le secteur
où elle est.
L'entreprise American Apparel gagne beaucoup d'argent en
fabriquant des T-shirts… aux Etats-Unis. Elle s'est spécialisée dans le
vêtement moulant sexy imprimable, que les détaillants peuvent
personnaliser. La mode étant volatile, les 60000 grossistes qui passent
commande veulent leurs produits tout de suite: si les T-shirts étaient
fabriqués en Chine, ils seraient moins chers mais cela prendrait un
mois. Trop tard.
L'étude multiplie les exemples où, même dans des
secteurs industriels jugés condamnés au Nord, des entreprises
ingénieuses marchent bien, sans délocalisation. C'est le point fort du
livre: il démontre que la mondialisation n'impose aucune stratégie par
elle-même aux entreprises.
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